Les débuts de notre installation
Les débuts de notre installation #2
Que voulez-vous, c’est naturel, mettez une jeune pousse dans une terre fertile, sans que personne n’y prenne garde, la jeune pousse prend racine. Et ce, même si le printemps ne dit pas encore son nom.
C’est imperceptible mais c’est là. Je sens que nous prenons racine.
Nous partons, Benjamin, Jeanne et moi, acheter une tronçonneuse. Benjamin se réjouit car il sait où il m’emmène, il a déjà fait du repérage. Une petite route dans la forêt, un vieux panneau Sthil, nous prenons à gauche, quelques vieilles voitures qui ne rouleront plus forment une allée incertaine et nous voilà dans un décor, planté au milieu des bois, fait de tôles en tous genres et de toutes les couleurs dans lesquelles viennent se mélanger des morceaux d’anciens poulaillers, des tracteurs impatients de tracter, des machines de levage, de la ferraille, beaucoup de ferraille.
Benjamin sort l’air ravi, je sais que j’en ai pour un moment dans le froid de la voiture. Jeanne ronfle doucement, le bonnet enfoncé jusqu’aux yeux. Toutes les cinq minutes environ, une Express ou une Kangoo arrive, se gare dans le décor, son conducteur descend précipitamment de la voiture et se dirige vers le hangar, l’air soucieux, sa tronçonneuse malade serrée contre lui. Il ressort quelques instants plus tard du hangar, la tronçonneuse au bout du bras, rajeuni de dix ans et redémarre en trombe.
Je regarde autour de moi, j’observe et contre toute attente, je finis par trouver ça beau. Le hangar, les métaux rouillés, les machines patientant sous la pluie depuis une éternité. Des oies et des poules s’affairent un peu partout. Je commence à trouver le temps long. Un paon apparaît avec une petite dizaine de femelles qui défilent derrière lui. Il fait un tour au milieu des carcasses de fer, regarde en haut d’un tracteur, jauge la distance, prend un peu d’élan et le voilà, magnifique, sur sa monture rouge. Fier comme un paon. Et pendant que sur le pare-brise, l’eau de pluie ruisselle, je regarde Benjamin revenir l’air encore plus ravi bien qu’un peu gêné car parti depuis vingt minutes. Et je sens que nous prenons racine.
Mission presque impossible, amener chez le vétérinaire les deux chiennes qui n’ont que quatre mois et n’ont presque jamais vu de laisse, avec Jeanne dans les bras (c’était juste avant qu’elle ne se décide à marcher). Elle a choisi de m’aider en hurlant « Jugeotte ! » et en se jetant en avant pour tirer sur les laisses qui s’emmêlent, je trébuche sur un méli-mélo de pattes, de bouts de laisses entrelacées et de queues frétillantes, nous entrons péniblement dans une salle d’attente pleine à craquer. Des chiens et des chats partout, comme chez le vétérinaire, et mes deux pré-ados qui se mettent à aboyer à tout va pendant que Jeanne m’échappe en courant sur les fesses, finissant de trouer son pantalon au derrière. Inutile de vous dire, je rougis. Je m’assois sur la plus petite chaise du plus petit recoin. En face de moi, un pépé plein de gentillesse me regarde les yeux rieurs et compatissants, il donne un coup de coude à son voisin et dit avec un clin d’œil, en montrant la cage à ses pieds « eh, je crois que c’est le moment de lâcher mon canard ». Nous rions bien et … je sens que je prends racine.
Je vais chez mon amie Sabine. Elle me montre la pièce où elle prépare le confit, une sorte de grange avec des lavabos entreposés, des vieilles bassines et des marmites. Elle m’explique que si je veux un poulailler, il faut que j’y mette des oies, ce sont elles qui protègent les poules contre les renards. Et que si nous prenons des moutons, il faut faire attention qu’ils ne piétinent pas trop dans la boue, parce que sinon, ça donne la maladie du pied bleu et que ça, c’est très contagieux. Et pendant que je commence à prendre conscience de tout ce qu’il nous faut apprendre, je sens que nous prenons racine.
A la sortie de l’école, une maman qui déménage propose de me donner une chèvre gentille comme tout mais… aveugle. Je sens que je prends racine.
Dans la voiture, les enfants racontent leur journée. Ils ne disent plus « cinq » mais ils le chantent comme les autres enfants de l’école. Il y a trois mois, ils demandaient : « Maman, ils ont tous un accent dans la classe, ce sont tous des étrangers ? ». Maintenant, ils chantent les 5. Je sens qu’ils prennent racine.
Hôpital de Gourdon. J’avance dans des couloirs vieillots en suivant une signalétique dilettante dont l’objectif n’est manifestement pas de vous amener au bon endroit. Un ascenseur, grincement de porte, Bonjour Madame, et voilà, un petit écran que je connais bien sur lequel apparaissent deux bras, deux jambes, un cœur qui bat… un bébé a pris racine, c’est la joie, hourra !
Nous apprenons mille choses et laissons traîner nos oreilles tant que nous pouvons dans les files d’attentes de la boucherie, chez le vétérinaire ou ailleurs pour entendre les secrets d’un pays. Nous avons soif d’apprendre et tant à découvrir !
Pour ce qui est des nouvelles concrètes, les travaux de notre maison sont finis, déménagement imminent ! pourront alors commencer ceux des gîtes, et je vous avoue qu’il nous tarde de les voir commencer, car il nous arrive d’avoir comme un frisson qui monte dans notre dos, à Benjamin et moi, quand nous pensons délais, réservation, vacances d’été, rentabilité !!! Pour ceux qui auraient envie de nous faire une pub d’enfer, j’aurais juste un mot : go !
En attendant, il me revient de vous signaler le début de la formation de notre cavalerie, et en fanfare s’il vous plaît ! Caramel, Jazz et Paquita, trois mini poneys shetlands (c’est-à-dire encore plus petits que des shetlands) sont arrivés au Roc. Inutile de vous décrire l’excitation et la joie des enfants ! on a beau leur dire qu’il ne faut pas crier à côté des poneys, ni courir, ni sauter, ni passer derrière, et encore moins dessous, ni arriver par surprise, ni… les scènes de brossage sont hilarantes et ces trois poneys hauts comme trois pommes en ressortent lessivés !
Ah, au fait, pour la chèvre aveugle… on a dit oui ! Elle arrive samedi ! C’est Guili-Guili, la Stevie Wonder de la chèvre – beaucoup plus branchée que Gilbert Montagné…
Voilà, j’ai tout dit et en ai oublié la moitié !
On vous embrasse tous et chacun !
Deo gratias,
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